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  Biographie de la vie







Essai 2

 
 
(...) 
 
Je sentais alors glisser sur moi, son regard insistant, comme s’il attendait que je lui ouvre toutes les portes de mon esprit, alors que j’en avais moi-même perdu les clés. Je me demandais encore ce que je pouvais bien faire, assis dans ce fauteuil, face à cet étranger. Pour y dire quoi ? Une vie que j’avais probablement vécue, mais dont je ne connaissais plus aucun détail. C’était devenu une sorte de trou noir, un néant de tout ce qui s’était envolé quelques semaines plus tôt, lorsque ma tête s’est écrasée sur le bitume, après une rencontre choc avec une vieille voiture commercialisée dans les années 80. Nous avions donc à peu près le même age, mais si j’ai perdu ma mémoire de par sa violente arrivée à mon niveau, elle, n’a pas pris une ride sur sa carrosserie. Je ne savais donc plus grand-chose, mais je ne pouvais nier que les machines avaient un pouvoir de résistance largement au-delà de celui des humains.  
Bien que ces idées traversaient mon esprit, je m’imaginai mal rompre mon silence, pour annoncer à ce docteur que je me concevais à présent, aussi fragile qu’une poussière qui se ferait écraser par une montagne. 
 
(...) 
 
A mon age, je n’avais plus vraiment d’ordre à recevoir. Car s’ils s’employaient à me faire croire que l’idée venait de moi, je sentais fortement cette tendance à tenter de me pousser dans leur droit chemin. Et refuser leur demande, un soupçon imposée, aurait été un affront. Je lisais dans le regard de celle qui m’avait apparemment mis au monde, toute la supplication pour que je l’écoute. Je me sentais tel un enfant de 10 ans à qui l’on sommerait de faire ses devoirs de suite, sans quoi je serais privé de télévision pour le goutter. La réduction de mes souvenirs avait entraîné, sans que je ne m’explique pourquoi, une sorte d’oubli de mon age véritable. Je n’avais pas oublié les automatismes du quotidien. Je savais très bien me faire à manger, m’occuper de moi-même, faire le ménage, mais j’étais assisté dans toutes mes tâches, sentant qu’aucune confiance ne m’était accordée. Je me demandais alors si, dans mon autre vie, j’avais passé tout mon temps à vivre sous le toit de ma génitrice, sans jamais être envieux d’en quitter les jupons pour voler de mes propres ailes. J’avais bien essayé d’en savoir plus.  
 
(...) 
 
Un de ces types insupportables, qui n’apprend jamais à couper le cordon ombilical, sans aucune raison valable. N’avais je jamais rencontrer une jeune fille qui, avec grâce et subtilité, aurait su me détourner de la secte familiale, pour me construire un abris, loin de leur influence. Je n’étais pourtant pas si laid, ce visage dans le miroir n’avait rien de dégoûtant, il semblait tout ce qu’il y a de plus correct. Mon allure n’était pas des plus parfaites, mais il n’y avait aucun doute quand au fait que mon manque d’effort vestimentaire n’était pas si dramatique.  
 
(...) 
 
Je suis arrivé dans le petit village que Camille avait pris soin de m’indiquer. La rue fut facile à trouver, et je me suis planté là, devant sa porte, me demandant pourquoi j’avais accepté de la voir. Qu’allais je bien pouvoir lui raconter qui ne menace mon horrible situation d’être découverte. Mais la curiosité fut plus forte que ma nervosité. J’entendais le verrou de la porte faire son travail pour me laisser découvrir le visage de mon inconnue. Elle ouvrit la porte, et l’espoir qu’était le mien d’avoir un semblant de souvenir s’est éteint en moins d’une seconde. 
 
(...) 
 
Je lançais ça comme si j’avais vaincu la mort, comme si j’avais été victorieux sur mon propre sort, et que j’en avais décidé ce résultat. En réalité, rien n’allait. J’étais assis en face d’elle, me demandant qui elle avait pu être pour Marc, dans son ancienne vie. J’en venais à ne plus me considérer comme étant lui, mais comme deux être totalement distinct. Je frôlais une espèce de dédoublement de personnalité, dont aucune n’avait le dessus sur l’autre. 
 
(...) 
 
Il revenait toujours sur le passé, tandis que je tentais de lui parler de mon présent. Je n’avais pas revu Camille, je l’avais rencontré. Et je sentais que ce psychiatre de pacotille ne faisait aucunement la différence entre les deux. Je me fichais de savoir tout de mon passé. Je voulais me reconstruire, pas me décortiquer. 
_ La mémoire, tout est vraiment question de se souvenir ? 
_ Et bien, je pense que pour vivre son présent afin de construire son futur, il faut connaître sa propre histoire. 
_ Et si mon histoire ne se composait que de ce que j’ai entre les mains à présent ? S’il ne fallait pas que je retourne en arrière, mais au contraire, que j’avance avec ce peu d’éléments. Peut être que mon ancienne vie ne me satisferait plus. Peut être que j’étais un être horrible, ou triste, ou n’importe quoi d’autre qui ne comporte aucun intérêt à retrouver.  
 
 
(...) 
 
En rentrant chez moi, je trouvais son idée étrange. Comment était il possible qu’un homme, diplômé pour m’aider à ne pas sombrer dans la démence de mes oublis, puissent me conseiller de brûler les uniques traces de mon existence. Je ne voulais pas forcer mon esprit à tout reconnaître, c’est un fait, mais étais je vraiment prêt à rejeter tout ce qui avait pu m’appartenir un jour ? 
 
(...) 
 
Je restais figé devant elle, le regard insistant, afin d’avoir une réponse rapide. Mais son hésitation m’amenait à penser que cette femme transpirait le mensonge. Elle venait de se faire démasquer, mais n’avait pas prévu cette éventualité. Elle avait préparée son plan soigneusement, dans les moindres détails, sans penser que son géni n’était peut être pas aussi puissant qu’elle pouvait le penser. Et voilà qu’elle se retrouvait face à moi, en se demandant quels mots allaient elle choisir, pour tenter d’expliquer son erreur. J’entendais d’avance ses excuses mielleuses, en ajoutant qu’elle ne l’avait pas fait pour mon mal. Mais au moment ou elle a ouvert la bouche, rien de tout ça ne s’est produit. Elle plongea son regard dans le mien, donnant le sentiment qu’elle avait retrouvé son assurance perdue quelques secondes plus tôt. 
 
(...) 
   
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